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L’Ukraine a revendiqué, lundi 12 août, le contrôle de 1 000 kilomètres carrés de territoire russe dans la région frontalière de Koursk, près d’une semaine après y avoir lancé une incursion armée. C’est la plus importante opération militaire jamais effectuée sur le territoire de son ennemi depuis le début du conflit, en février 2022.
« Nous continuons de mener des opérations offensives dans la région de Koursk. A l’heure actuelle, nous contrôlons environ 1 000 kilomètres carrés du territoire de la Fédération de Russie », a déclaré le commandant de l’armée ukrainienne, Oleksandr Syrsky, lors d’une réunion avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky.
Au moins douze civils ont été tués et 121, blessés, dont dix enfants, dans cette pénétration armée ukrainienne, a dénoncé lundi le gouverneur par intérim de l’oblast de Koursk, Alexeï Smirnov, lors d’une réunion avec le président russe, Vladimir Poutine. « A ce jour, 121 000 [personnes] sont parties ou ont été évacuées » de la région, a ajouté M. Smirnov, alors que vingt-huit localités sont actuellement sous contrôle ukrainien selon lui. Il a expliqué que la zone d’évacuation des civils avait été étendue. Selon le ministère des situations d’urgence russe, plus de cinquante régions du pays seraient prêtes à accueillir les habitants qui ont dû quitter leur domicile.
M. Smirnov a expliqué que l’opération ukrainienne, que l’armée russe essaie de repousser, s’étendait sur une zone de 12 kilomètres de profondeur et 40 kilomètres de largeur. Si l’armée russe dit infliger de lourdes pertes aux forces ukrainiennes, le gouverneur par intérim a jugé, dimanche, la situation « difficile ».
Face à l’invasion, le ministère de la défense russe a annoncé, lundi après-midi, avoir renforcé « le groupement de troupes et la formation de réserves » dans la région de Koursk. « L’approvisionnement en carburant et en lubrifiants est effectué par camions-citernes vers les zones de ravitaillement sur le terrain, vingt-quatre heures sur vingt-quatre », précise un communiqué. Ces informations n’ont cependant pas pu être vérifiées de manière indépendante.
Vladimir Poutine a, lui, déclaré vouloir « expulser » les forces ukrainiennes de Russie. « L’ennemi cherche à améliorer sa position en cas de négociation à venir », a-t-il dénoncé. « Un autre objectif évident est de semer la discorde et la zizanie dans notre société, d’intimider les gens, de détruire l’unité et la cohésion de la société russe », a poursuivi M. Poutine.
Dans le même temps, lundi, le premier ministre ukrainien, Denys Chmyhal, a discuté avec des sénateurs américains en visite à Kiev des besoins de son pays en matière de renforcement de la défense aérienne. « Le maintien du soutien bipartisan aux Etats-Unis est important pour nous », a-t-il écrit sur X, alors qu’il rencontrait Lindsey Graham (Parti républicain) et Richard Blumenthal (Parti démocrate). « Je leur ai parlé de nos besoins en matière de renforcement du système de défense aérienne et de nos priorités dans la mise en œuvre des réformes, a-t-il ajouté. Nous apprécions le soutien sans précédent du gouvernement et du peuple américains dans la lutte pour la liberté et l’indépendance de l’Ukraine. » Sur sa chaîne Telegram, il est également revenu sur les détails de cette rencontre et a rappelé que les premiers avions de chasse F-16 étaient arrivés en Ukraine et « que l’aide américaine à la formation des pilotes ukrainiens est extrêmement précieuse ».
Dans la soirée, Volodymyr Zelensky a dit sur Telegram avoir rappelé à la délégation du Sénat américain la nécessité pour l’Ukraine d’être autorisée à utiliser des missiles à longue portée en territoire russe « pour mettre fin à cette guerre ».
Outre la région de Koursk, les forces ukrainiennes ont attaqué, lundi matin, l’oblast russe de Belgorod avec quarante-deux drones, selon Viatcheslav Gladkov, le gouverneur de la région administrative, faisant plusieurs blessés et endommageant des bâtiments. Dans la nuit de dimanche à lundi, l’armée russe avait affirmé sur sa chaîne Telegram en avoir « détruit » dix-huit drones dans trois oblasts de l’Ouest russe (Koursk, Belgorod et Voronej), sans évoquer d’éventuels dégâts ou blessés.
Lundi toujours, la Russie a elle bombardé la région de Kherson, en Ukraine, faisant un mort et onze blessés, a rapporté le chef de l’administration militaire régionale, Oleksandr Prokudin, sur sa chaîne Telegram. Selon lui, l’armée russe a bombardé des établissements d’enseignement et un magasin mais aussi des zones résidentielles dont un immeuble et quinze maisons privées. Elle a également endommagé des gazoducs, des entrepôts, des garages, des voitures privées et des transports publics.
Vadym Filachkine, chef ukrainien de l’administration militaire de l’oblast de Donetsk, a lui rapporté, lundi soir, sur sa chaîne Telegram que deux personnes avaient été tuées à Oukraïnsk, deux à Kostiantynivka, et une à Toretsk durant la journée écoulée.
Il est difficile de connaître les objectifs précis de l’offensive actuelle de l’Ukraine tant les autorités de Kiev sont restées discrètes sur l’opération. Toutefois, la semaine dernière, Volodymyr Zelensky avait fait une allusion à l’incursion et expliqué que son objectif visait à augmenter le coût de la guerre pour Moscou : « Plus la pression sera forte sur la Russie – l’agresseur qui a apporté la guerre en Ukraine –, plus la paix sera proche », avait-il déclaré.
Depuis quelques semaines, le président ukrainien commençait à évoquer des négociations avec Moscou. Il n’est donc pas exclu que cette incursion ait pour objectif de donner plus de poids à Kiev dans ce rapport de force. Selon des experts militaires, l’objectif de l’incursion ukrainienne pourrait aussi être de créer des dissensions au sein du pouvoir russe et de forcer le redéploiement d’effectifs afin d’alléger la pression exercée par l’offensive de Moscou dans l’est de l’Ukraine.
Konrad Muzyka, analyste militaire au sein du centre de réflexion militaire polonais Rochan Consulting, parle ainsi d’une « opération audacieuse » dans une note publiée mercredi. Selon l’expert, elle pourrait être un succès si elle permettait de diminuer les attaques russes dans l’oblast de Donetsk. Qu’elle « crée des dilemmes pour Moscou permet à Kiev de maintenir une présence dans l’oblast de Koursk et offre une meilleure position de négociation à l’avenir ».
Le Monde
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